L’art érotique est une manière de jouir au-dessus de notre condition.
L’imagination voluptueuse est la seule floraison de l’espace et du temps, peuplée de créatures qu’on tire de son cerveau brûlé et comblé sans mesure. Dédaigneux des lignes infranchissables et traversant les mailles du possible.
Le bonheur de sculpter est la seule résultante de ces multitudes de coups de tête et d’orgueil intime d’où, depuis l’os et le roc, est sortie toute œuvre grande ou futile. La jubilation du créateur n’est pas tant d’avoir fait quelque chose, que de l’avoir fait hors des moules obligés. Son triomphe est d’avoir forcé le passage en se gaussant de la force des choses, de leur statut. Cette transmutation est identique au mouvement par lequel le sexe devient génie en refusant de se limiter aux mortelles banalités de la discipline reproductrice.
Par conséquent, l’art est érotique en soi. Il peut l’être parfois hors de soi. La terre ou le bois sont une chair exogène qu’évoque la main en érection de l’artiste. L’unique différence, en somme, entre l’art qui se reconnaît érotique et l’art qui se défend de l’être est la franchise.
L’art, bien sûr, est la genèse du sommeil et ne peut être rien d’autre ; mais qu’est-ce que la beauté si ce n’est la surréalité même ? La beauté n’est pas dans la nature ; elle est la trouvaille la moins naturelle que l’homme ait pu concevoir. La beauté n’est pas dans ce qui remémore, mais dans ce qui va se faire, pas dans le sanctuaire mais dans le sacrilège. Le corps n’est beau qu’inventé. La beauté est l’image qui va se concevoir et démodera pour toujours les carapaces antérieures.
Les corps que nous sommes capables d’aimer n’ont pas encore été imaginés. Ils sont les souhaits insensés qui donnent pouvoir à nos sens. Leurs mutations renouvelées nous achemineront peu à peu vers un univers à notre imaginative dévotion. L’art et le corps futur des hommes et des femmes sont ainsi solidaires dans la recherche de la beauté. Pareil au monde.
Le corps est à faire, il n’a pas encore été trouvé. Il est plus difficile de l’inventer que de continuer sur la terre et le bois, l’abstraite beauté des bermes jamais vues. L’invention qui demande le plus de génie est celle d’une beauté que l’on croit connaître.
Le plaisir de sculpter, c’est ce moment où mon corps va suivre ses propres idées, car mes mains suivent leurs propres inspirations.
P.S. Tony Riga, d’origine guyanaise, exprime aussi son talent dans la peinture et dans les costumes.